Gilbert allait le cou tendu [ ], les pouces passés sous les courroies, le pas traînant [ ]. De pause en pause, son sac était plus lourd. Il l’avait pourtant bouclé gaiement, au départ. Il avait ressenti une allégresse sportive [ ] sous ce fardeau bien arrimé [ ]. Les jarrets dispos, il aurait voulu chanter, partir au pas accéléré [ ], la clique en tête.


Mais au bout d’une heure, le sac était déjà lourd. Au lieu de le pousser comme au départ, il se faisait pesant, et semblait le retenir, le tirer en arrière, par les deux courroies. Il rejetait bien son fardeau d’un coup d’épaule [ ], tous les cent pas, mais le sac reglissait vite, encore plus pesant. Son pied meurtri [ ] s’était rouvert, ses genoux secs [ ] s’ankylosaient, et, maintenant, le sac de plomb [ ] jouait avec lui, le faisait tituber comme un homme saoul [ ]. Pour la première [ ] fois, on l’avait entendu jurer, dire des gros [ ] mots, d’une petite voix rageuse [ ] qui ne savait pas [ ]. Le buste en avant, peinant comme s’il avait dû traîner la route, il haletait sous son carcan :


— Je fous tout en l’air à la pause, et leur saleté de biscuits [ ]…



Roland Dorgelès, Les Croix de bois.